Orlando parle de Nicole Barclay.
Le couple de Nicole et Eddie Barclay ? C’était comme un aigle à deux têtes, inséparables. Lorsqu’on faisait référence à la marque « Barclay », à l’éditeur Barclay, il s’agissait en réalité de Nicole et d’Eddie. Nicole a été essentielle à Eddie, dans sa carrière comme dans son cœur. Des âmes sœurs véritables qui n’ont cessé de se compléter. La première tête de l’oiseau, Eddie, était créative, prête à tout pour concrétiser ses rêves. La deuxième, Nicole, était pragmatique, elle avait un sens inné des affaires et une vision novatrice. L’idée de se rapprocher des États-Unis venait d’elle, pour aller à la rencontre de tous les pontes de l’industrie phonographique de l’époque et pour ramener en France le « fameux » microsillon. Véritable « public relation », Nicole, avait un charme fou, le sens de la diplomatie certain et un parler captivant. Véritable tête pensante, elle a concouru par son énergie à l’ascension d’Eddie. Nicole a fait l’effet d’une révolution à cette époque.
Lorsque je suis arrivé à Paris en 1960, c’est une des premières personnes que j’ai eu la chance de rencontrer avec Eddie bien sûr. Je me souviens que le mois de septembre touchait à sa fin, c’était quelques semaines après la rentrée scolaire… Ce souvenir reste intact et précieux. Nicole était une femme au grand cœur tournée vers les autres, d’une écoute rare. Comme tout jeune chanteur qui démarre, mes débuts ont été plus compliqués, qui plus est dans l’ombre de Dalida déjà célèbre. Nicole m’a beaucoup aidé, toujours présente, ouverte. Elle organisait des diners chez elle pour rencontrer des artistes, des personnes travaillant dans les médias, radio, presse, télévision… Elle m’invitait régulièrement, avec d’autres jeunes, me faisant une vraie place. Une grande sympathie, une entente particulière voire même de la complicité se sont installées entre nous. Je me sentais incontestablement plus proche de Nicole que d’Eddie qui m’impressionnait, c’était l’homme qui avait lancé Dalida. Nicole, elle, était chaleureuse et généreuse et c’est grâce à ces qualités que j’ai eu la chance de rencontrer de nombreux artistes et des gens des médias. Elle avait ce don de mettre les personnes en contact. Possédant une vraie connaissance du jazz et de la musique américaine, parlant couramment l’anglais, elle a fait perdurer cette époque à travers Quincy Jones, Duke Ellington, Ella Fitzgerald… Le talent, le charisme et le savoir-faire de cette femme ont permis à Eddie de rentrer en contact avec tous ces grands artistes. Son attachement n’était bien sûr pas seulement professionnel. Malgré les orages traversés et les nombreux remariages d’Eddie devenus légendaires, je pense que Nicole est restée la femme la plus importante de sa vie. Il en parlera jusqu’à sa fin avec beaucoup de tendresse et de reconnaissance. Ce couple a été pour moi fabuleux.
Puis, en 1963, malheureusement, il y a eu la séparation. Séparation affective, professionnelle et financière. Eddie a gardé la marque Barclay, la maison Barclay. Nicole, elle, a conservé Bel Air, un label de la marque, qui, je m’en souviens très bien étant un de ses artistes, ne lui a pas porté chance. Alors qu’ensemble, ils abattaient des montagnes, formaient une équipe imbattable, moderne, dépoussiérant l’industrie du disque en France, créant ce précieux contact entre les artistes et les médias, tout allait changer. Avant eux, les rapports entre les majors et les médias se limitaient aux contrats – productions - enregistrements, ça s’arrêtait là. Grâce aux Barclay, un lien et des échanges se sont créés, notamment à travers des soirées et des fêtes.
Seule, elle s’est laissée happer par une vie festive, accumulant malchance et rencontres peu enrichissantes. Sa santé s’est dégradée. Elle a peu à peu disparu de la scène, jusqu’à sa mort en 1971. Quelques temps avant, Dalida avait quitté le label Barclay. Eddie, lui, a vendu en 1978 sa maison de disques à Phonogram puis s’est retiré définitivement de la marque en 1983. Le souvenir de Nicole reste pour moi celui d’une femme extraordinaire, intelligente, brillante. Elle avait un charme fou, une facilité de communication et un altruisme rares. Mais lorsque les deux têtes de l’aigle n’ont plus regardé dans la même direction, rien n’a plus jamais été pareil. Cet oiseau à la double facette aura marqué les mémoires comme l’image d’un couple moderne, pionnier, créateur du microsillon en France, qui a su réunir les artistes et les médias. Nicole avait largement joué son rôle avec son incroyable sens des affaires et sa maîtrise des rapports humains… Eddie avait du flair pour les chansons, les orchestrations. Il assistait aux enregistrements en studio. Lorsque Dalida a débuté, je n’oublierai jamais combien Nicole a été formidable pour elle. Elle l’a aidée à connaître du monde, lui a appris à devenir « plus parisienne », à se présenter aux autres… Grâce à ce couple de génie et à Lucien Morisse, sans oublier Bruno Coquatrix, ils ont donné sa chance à Dalida, ils ont cru en Dalida, ils ont lancé Dalida et Dalida est devenue la Dalida qu’on connait aujourd’hui. Elle a été la première « vedette de l’écurie » où se trouvait déjà Renée Lebas, Eddie Constantine et quelques imports tels que les Platters. Toute cette équipe a contribué ensemble à la construction de cette star, Dalida, avec comme moteur cet incroyable binôme, Nicole et Eddie Barclay.
Orlando
Propos recueillis au téléphone le février 5, 2021 par Daniel Richard, transcrits par Thérèse Chasseguet.
Orlando talking about Nicole Barclay.
“The Nicole and Eddie Barclay couple? Inseparable. They were an eagle with two heads. Whenever anyone used the word “Barclay” — the name, the record company — what it meant was “Nicole and Eddie.” Nicole was essential to Eddie, to his career and in his heart. Genuine soul mates who never stopped being a complement for each other. The first head on the bird was Eddie, who was creative and ready for anything that would make his dreams a reality. The other was Nicole, a pragmatist who had an innate business sense and an innovator’s vision. The idea to be closer to the United States was hers: to go over and meet all the big-shots in the record industry of those days, and bring the famous “microgroove” record back to France. Nicole had a real “public relations” personality, and definitely a sense of diplomacy: she fascinated people when she spoke to them. She had brains, and her energy contributed to advance Eddie’s career. She had the effect of a revolution in that era.
When I arrived in Paris in 1960 she was one of the first people I was lucky to meet, together with Eddie of course. I remember September was coming to an end,; it was a few weeks after children went back to school... That memory is still intact, a precious one. Nicole was a woman with a big heart who cared for other people; and she listened to them, a rare quality. Like all young singers who were just starting, my own beginnings were more complicated, especially in Dalida’s shadow because she was famous already. Nicole helped me a lot; she was always present, and she had an open mind. She organised dinners at home to meet artists, people working in the media: radio, press and television. She invited me regularly, along with other young people, and she made room for me, really. We developed a liking for each other that was very nice, a special complicity that showed we understood each other. There was no doubt that I felt closer to Nicole than to Eddie, who made a great impression on me: he was the man who’d launched Dalida. Nicole, she was warm and generous, and it was thanks to those qualities that I had the chance to meet a great many artists and media people. She had that gift for bringing people together. She really knew jazz and American music, and she could speak English fluently. She made those years last, through Quincy Jones, Duke Ellington, Ella Fitzgerald… The talent, charisma and savoir-faire of that woman allowed Eddie to come close to all those great artists. Her attachment wasn’t only professional of course. Despite the storms they weathered, and Eddie’s numerous marriages, I believe Nicole remained the most important woman in his life. Right until the end he would talk about her with great tenderness and gratitude. To me, they were a fabulous couple.
And then in 1963, unfortunately they separated. The split was emotional, professional and financial. Eddie kept the Barclay name and the Barclay company. As for Nicole, she kept Bel Air, a label that belonged to Barclay. I remember it well because I was one of its artists. Before the separation, they moved mountains together; they formed an unbeatable team, a modern one, and it brushed the cobwebs off the French record industry. They created that precious contact between artists and the media. Everything would change. Before them, relations between the majors and the media drew the line at contracts —for production and recordings—and it stopped there. Thanks to the Barclays, a bond and exchanges were created, especially at the soirées and parties they organised.
Once Nicole was on her own she let herself be snatched up by a life of parties, and she accumulated misfortunes and encounters that were less than rewarding. Her health declined. Gradually she disappeared from the scene, and then in 1971 she passed away. A while before that, Dalida had left the Barclay label. As for Eddie, in 1978 he sold his record company to Phonogram and then in 1983 he retired from the label definitively. My memory of Nicole is that of an extraordinary woman, intelligent and brilliant. She had so much charm it was crazy; she was an altruist and she had a very rare facility for communicating. But when the two heads of the eagle were no longer looking in the same direction, nothing would ever be the same again. That bird with two faces will have left the image of a modern couple in people’s memories, a pioneering couple who created the LP in France and who brought artists and the media together. Nicole did more than play her part, with her incredible nose for business and the way she mastered human relations... Eddie had flair, for songs and for arrangements. He came to the studio for recordings. When Dalida began, I’ll never forget how wonderful Nicole was with her. She helped her get to know people, and she taught her how to be “more Parisienne,” and how to have the right appearances. The Barclays were two geniuses, and thanks to them, and Lucien Morisse, and Bruno Coquatrix, they gave Dalida her chance. They believed in Dalida, they launched Dalida, and Dalida became the Dalida we know today. She was the first “star in the stable” that already had Renée Lebas, Eddie Constantine, and a few imports like The Platters. Together, that whole team contributed to the construction of that star, Dalida, and the engine behind it was that incredible tandem, Nicole and Eddie Barclay.
Orlando
From a telephone interview with Daniel Richard on February 5, 2021, transcribed by Thérèse Chasseguet.